Carnet de route

Reconnaissances du côté de Chalance

Le 07/07/2018 par Guy Olivier, Marie-Ange Pascal

Suite à notre semi-succès de l'an dernier dans la traversée refuge Pigeonnier ,
refuge de Chalance, nous avons choisi cette fois de rayonner à partir de Chalance pour completer notre connaissance des lieux,
tout cela serait passé inaperçu si Charlotte la Marmotte ....  n'avait tout épié....
(ci dessous courrier trouvé par Marie-Ange à l'entrée d'un terrier....? )
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Je m’appelle Charlotte.

Pendant six mois, je dors sous la terre gelée, blottie contre mes parents et mes frères.

Ici, l’hiver prend son temps. La neige recouvre tout le pays, les sentiers, les arbres, les maisons..Mais pour nous, aucun problème : pas besoin de courir après une nourriture aussi rare que maigre, comme les chamois !

Nous préférons vivre au ralenti, bien au chaud.

Dès que le printemps arrive, le soleil réveille toute la montagne et nous sortons de notre terrier , tout excités.

C’est la fête pour les jeunes marmottes comme moi.

Les fleurs éclatent de couleur, les torrents caracolent sur les pierres. Tout l’été, on va s’amuser dans l’herbe !

Quelquefois, on rencontre même des touristes par ici, dans notre vallée reculée du Valgaudemar.

Ainsi, la semaine dernière, j’ai vu passer six humains, cinq mâles et une femelle (dans nos tribus, on veille à un meilleur équilibre..c’est étrange, les humains) , avec un gros sac sur le dos, le sourire aux lèvres et le chapeau sur la tête.

Ils montaient tranquillement au refuge de Chalance.

Avec mes frères , on les a vite rattrapés, discrètement, juste pour les regarder et rigoler.

La fatigue marquait leurs visages dans les derniers rochers devant la cabane.

Ils ont posé leur sac sur la terrasse avec bruit et soulagement.

La chaleur les avait épuisés durant quatre bonnes heures.

La première chose qu’ils ont faite, c’est de chercher de l’eau.

Le tuyau de la fontaine était sec. La neige au-dessus n’avait pas encore fondu.

Il fallait les voir, un qui soulevait le tuyau pour l’observer, l’autre qui allait prospecter plus haut, ce qu’ils étaient drôles !

Ils ont compris qu’il fallait en chercher un peu plus bas ; là où les névés fondaient en fins ruisseaux.

Tels des manchots, ils marchaient en équilibre instable sur la neige, leurs pieds vacillaient sur les pierres mouillées, risquant la chute.

Ils ont rempli leurs bouteilles et sont remontés , les bras chargés comme des bourricots !

Là, on rigolait encore plus.

Là-haut, ils ont ajouté un petit comprimé blanc dans chaque récipient, avant de le refermer.

Cette fois, on ne rigolait plus, on ne comprenait pas.

L’eau de la montagne, notre eau si pure, celle qui nous désaltère tous, animaux grands ou petits,cette eau , ils la changent ? Ils ajoutent de la chimie avant de la boire.

C’est étrange, les humains.

Le soir arrivait ; les amis se sont installés sur la terrasse.

Nous avons écouté leur conversation : le plus jeune racontait que sa femme avait des pouvoirs magiques. Dans leurs toilettes, il y a une cascade qui coule quand on appuie sur un bouton. Quand lui le fait, il ne se passe rien.

Mais si sa femme jette de l’eau, la cascade se met à couler.

Personne n’a jamais compris cela, mais la magie ne s’explique pas..C’est étrange, les humains.

Le soleil se couchait sur l’horizon, le ciel avait choisi ses plus belles couleurs.

L’homme qui paraissait être le chef, à la fois sage et poète, a montré toutes les montagnes alentour, l’index tendu devant lui.

Il a nommé le Sirac, le Vieux Chaillol, mais aussi les plus petits sommets, les cols, les brèches, les arêtes, les itinéraires.. Une vraie encyclopédie, ce spécimen-là ! Les autres se contentaient d’admirer ensemble ce paysage alpin à 2500m, dans le silence du soir. Ils se sont raconté leurs aventures passées dans ces montagnes, l’été ou l’hiver, en crampons ou à skis, et petit à petit, la nuit est tombée.

C’était l’heure de se coucher.Ils ont rejoint leurs couchettes, et nous avons couru jusqu’à notre terrier, après une journée bien remplie.

Dès l’aube, nous étions de retour à Chalance.

Nous avions envie de vivre encore un peu aux côtés de ces humains bien sympathiques.

De notre cachette, nous les avons vus sortir : casque sur la tête, le sac à dos bien calé, ils ont chaussé leurs crampons et pris leur piolet à la main. On voyait qu’ils avaient l’habitude. On les a suivis de loin vers le collet de Porteras, tantôt sur le rocher, tantôt sur la neige. Arrivés devant un couloir un peu raide, le passage devenait dangereux, et là-haut c’était l’inconnu.

Le chef, dans sa grande sagesse, a renoncé à continuer.

Les amis avaient bien marché, ils ont pris leur pique-nique dans un majestueux cirque enneigé, sous un ciel clair.

On n’entendait que le cri des corneilles et le vol de quelques insectes.

Nous, on a attendu leur départ pour manger les miettes de leur repas : pain, croûte de fromage, pépins de pomme : un régal !

On les a entendus dire que le collet s’appellerait désormais « Porque te vas ». C’est étrange, les humains.

Ca nous plaisait bien, le séjour à Chalance.

Le dernier jour, pareil : on est arrivé à l’aube, mes frères et moi.

On s’est caché derrière le grand cairn.

De là, on peut voir le refuge haubanné à son rocher, son toit pentu et son panneau solaire au-dessus de la porte.

Sous la terrasse en bois sont logées deux bouteilles de gaz, pour la cuisine.

Ici, pas de gardien.

Les humains vivent ici presque comme nous, les marmottes.

Ils se lèvent et se couchent tôt, avec le soleil.

Ils ne peuvent plus téléphoner. Il n’y a ni chauffage, ni douche.

Pas d’artifice, de superflu ; mais le nécessaire, le vrai.

C’est le monde du silence, de la nature, de la beauté.

D’ailleurs, les gens qui montent ici ont souvent de la peine à redescendre dans la vallée !

Un rapace tournait au-dessus de nous. Alerte ! Cachons-nous !

Quand nous avons pu sortir du trou, les amis étaient déjà partis.

Ils allaient vers le col de Chalance. Un peu plus haut, leur femelle les a laissés continuer pour revenir se reposer.

Au retour du col, ils ont exploré une brèche. Le moustachu est descendu courageusement au bout d’une corde pour voir si le passage était praticable. Mais là encore, c’était impossible. Le chef l’a remonté et tout le monde a rangé les cordes.

Ces montagnes ne se laissent pas facilement traverser !

Mais les hommes s’obstinent à les explorer, en y risquant même leur vie, parfois.

C’est étrange, les humains !
Charlotte, la marmotte. Juin 2018

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3 belles journées dans des lieux chargés de souvenirs , pour pas mal d'entre nous...
avec l'espoir de revenir pour tenter la traversée Pigeonnier ,Chalance, Olan....
Guy. O

 

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