Carnet de route
Randonnée géologique en Briançonnais
Le 03/07/2018 par DEJEAN Cathy, FERRUS René et PETIT Jean-Paul
Balades dans les temps
« Le temps mène à l’éternité qui en sait bien profiter se la rendra heureuse »
Sur le cadran solaire de l’église de Puy Saint Pierre
2 juillet 2018, c’est une belle journée de tous les étés.
Dans le bus vers Briançon, nous partons, légers et joyeux.
René, Marie et les Rami nous rejoignent sur la place de Puy Saint Pierre.
L’église, bien ancrée sur son roc, domine de son clocher de pierres noires Briançon et ses vallées. Philippe, guide du patrimoine au tee-shirt flamboyant pousse la porte, nos rétines s’accommodent à l’intimité de cette vieille église.
Odeur sucrée de lys et roses mêlés.
Le conférencier déverrouille nos mémoires sur les noms et symboles du tréfonds de notre culture: narthex, antependium, franciscains, les saints, Antoine, André et les autres.., la vierge du rosaire, les confréries des pénitents, les croix de la passion ou de mission.
Retour à la pleine lumière au belvédère du village, vue panoramique sur les fortifications de Briançon, ce génial de Vauban a non seulement mis sa touche dans l’enceinte de la haute ville mais prévu encore sa protection par une couronne de forts d’altitude.
Nous repartons vers Puy Saint Pierre, sur le bas-côté de la route affleure du charbon. Plongeon vertigineux, il y a 300 millions d’années à l’époque de sa formation et visite des vestiges de son exploitation sur le site de Combarine.
Petite escapade au pont Asfeld avant de rejoindre notre gîte.
Départ au matin raisonnable vers le hameau des Combes.
René arpente ses terres ancrées depuis l’enfance et nous « pause » au fil des histoires, déroulant avec la même aisance la sienne et celle de notre continent.
Nous l’écoutons, attentifs, nous projetons tant bien que mal dans ce passé de millions d’années, tentons d’imaginer la Pangée, cet unique continent de l’ère primaire qui s’étire, se divise, s’affaisse et abrite progressivement « un bassin sédimentaire qui deviendra, à l’ère secondaire le fameux océan Alpin, son extension puis sa «… fermeture au début du tertiaire sera suivie d’une collision de ses marges à l’origine de la chaine des Alpes »!
Nous rêvons et dérivons!
Petit détour par la cime de la Condamine auréolée de névés, longue et belle descente vers le bar éphémère « Ferrus des Combes ».
Merci pour la délicate attention!
Arrêt à Puy Chalvin: René relate le maillage ancestral de l’irrigation avec cette constance humaine de solidarités et mesquineries.
Il nous raconte l’arrivée de sa maman, jeune institutrice dans cette école neuve et surdimensionnée à la hauteur des ambitions de la République, ses premières approches, sans doute timides, à la maison voisine et ses suites …dans les alpages!
On se souvient d’Emilie Carle « La soupe aux herbes sauvages »….
Nous retrouvons notre guide à la chapelle Sainte Lucie.
Il ouvre à nouveau la porte des trésors. Sous la voûte en berceau, des fresques du XVIème siècle superbement conservées retracent la vie de Jésus. Nos cous se tordent pour scruter en souffrance les gravures de Van Meckenem, les photos des fresques de la Brigue. C’est évident, il a mal copié! Mais on aime la rusticité des personnages, la simplicité des scènes, la vivacité des couleurs qui ont traversé sans désemparer cinq siècles, et l’émotion que le tout procure.
Les dieux sont encore avec nous au matin du 4 juillet !
Nous poursuivons« l’odyssée » au massif du Chenaillet, le plancher de la dorsale du fameux océan alpin, il y a 155 millions d’années.
Les preuves de cet océan fossile, nous allons maintenant les fouler au pied à 2500 mètres d’altitude.
Vers la cabane des douaniers, René ramasse un « vulgaire » caillou et conte son extraordinaire voyage, serpentinite, (ou péridotite altérée par l’eau) venue des soubresauts de la rencontre du manteau de la terre et de l’océan. La pierre devient sublime, c’est le premier indice.
Nous poursuivons sur la crête qui mène au sommet à la recherche des autres marqueurs du plancher océanique (gabbros et basaltes)
Au sommet du Chenaillet, vue lumineuse sur les écrins, passage de la frontière italienne aux barbelés heureusement ébranlés, pique-nique au bord du petit lac du Souréou.
Direction le Collet vert pour la « conclusion géologique ».
Devant nous, de grosses boules de basaltes en coussins ou en polochons, agglomérées et empilées les unes sur les autres font falaise.
René nous explique longuement le processus de formation de la dorsale.
Et en résumé: « La disposition relative des roches rencontrées pendant notre montée est celle de toutes les croutes océaniques actuelles ou passées. Elle traduit un mécanisme bien connu: l’expansion océanique »
Fin du voyage initiatique.
J’opte pour un redoublement à moins d’un rattrapage toujours possible en septembre, chez Lucie.
Nous sommes revenus à nos voitures balancés entre la conscience du vertige de nos lacunes et la douce saveur du bonheur d’apprendre.
Merci René, pour cette balade dans les temps, cette marche et démarche intelligente.
A refaire sans modération.
Catherine.
